Extrait :
«Réunir en un groupement sympathique et cordial les membres épars - et qui trop souvent s'ignorent ou se méconnaissent - de la grande famille niçoise ; opposer à l'envahissement croissant du cosmopolitisme anonyme l'union plus intime des énergies locales et des affinités traditionnel/es ; favoriser par les recherches historiques et la culture de la poésie dialectale le maintien du lien provincial, dans ce qu 'il a de plus noble et de plus réconfortant ; provoquer, si possible par l'émulation et l'exemple, les études de tout ordre qui se rattachent à Nice, à son passé, à sa langue, à son territoire ; faire, en un mot, oeuvre active et mesurée de décentralisation, de façon à conserver à ce pays, que tend à submerger le flot uniforme d'une désolante banalité, ce qui subsiste de son originalité et de son charme propre, telle est, je crois, la pensée éminemment louable, qui a présidé à la fondation de l'Acadèmia Nissarda.»
Le Petit Niçois
Si on a le malheur de pénétrer dans l'univers d'Henri Sappia, celui-ci ne vous lâche plus ; c'est ce qui m'est arrivé il y a quelques années en étudiant les aventures singulières d'un autre enfant des Alpes-Maritimes, ardent républicain, journaliste de combat, romancier et historien, le brigasque Giuseppe Beghelli, mort à moins de trente ans, qui connut son heure de gloire et sombra par la suite dans un injuste oubli. A chaque pas, l'ombre portée de son aîné se présentait devant moi ; quelques pans de sa vie aventureuse, plus mystérieux les uns que les autres, surgissaient à la lumière sans qu'il soit possible de les relier. Pendant de longs mois, j'ai cru impossible de reconstituer, au moins dans ses grandes lignes, la vie agitée et chargée de mystères d'Henri Sappia. Un jour je découvris, dans un livre, paru en 1909, d'Adriano Colocci, l'historien de l'agent corse des services secrets du Second Empire, Jean-François Griscelli, une note qui enflamma mon imagination. Sappia lui aussi aurait été appointé comme agent secret du Second Empire avant l'attentat de Félix Orsini contre Napoléon III en janvier 1858. Fasciné par sa personnalité, Colocci le prit pour un Sicilien répondant au nom de Zappia. Etrangement, aucun des rares historiens qui se sont intéressés à l'errant niçois n'a jamais cité cette note. Plus récemment j'ai découvert, stupéfait, que le mystérieux Niçois avait très souvent été confondu, de 1871 jusqu'à aujourd'hui, avec son quasi homonyme, aussi peu connu que lui, Pierre Théodore Emmanuel Sapia, (avec un p), tué par balles sur la place de l'Hôtel de Ville de Paris le 22 janvier 1871. Plusieurs journalistes et historiens ont écrit que, en dépit de sa grave blessure, il aurait réussi, fin janvier 1871, à quitter Paris en traversant de façon mystérieuse les lignes prussiennes. Pour corser le tout, Henri Sappia, redécouvert depuis 1972 dans le Mezzogiorno, s'est métamorphosé, ces vingt dernières années, en héros de Bitonto (ville proche de Bari où il vécut quelques années en alternance avec Naples, entre 1875 et 1878).