On trouvera sur le site la liste de l’ensemble de nos articles parus dans des revues et ouvrages collectifs, des recensions de livres, des livres parus ou en préparation ainsi que des textes à paraître prochainement.
Nous avons ajouté pour information quelques productions non parues pour des raisons diverses (abandon de la publication d’actes de colloque par exemple). Une part importante des publications sera d’accès direct sur le site, notamment celles, qui, parues à l’étranger, ne sont pas accessibles aisément.
De la première publication faite après notre retour d’Alger («Pour une éducation transculturelle ») à l’ouvrage en cours de rédaction: « Labyrinthe algérien » (titre provisoire) tous nos écrits sont marqués, directement ou non, par le séjour de seize mois que nous avons effectué, comme enseignant, dans un petit village du Sersou steppique algérien, loin de toute population européenne.
Les études complémentaires entreprises à Alger (D.E.S consacré à Eugène Fromentin, licence de sociologie nord-africaine) puis à l'Université René-Descartes (Paris V), où j'ai soutenu une thèse sur le concept de culture et de pluralisme culturel, avaient pour objet de mieux comprendre comment franchir les obstacles qui se dressent dans des contextes historiques, sociaux, religieux, économiques… entre Européens et Maghrébins. Et plus particulièrement entre Français et Algériens, hier et aujourd'hui.
J'ai pris appui sur une longue expérience humaine et professionnelle à des moments et dans des contextes différents. Seize mois dans le Sersou steppique, treize ans passés dans un quartier populaire d'Alger après l'indépendance, quinze années de responsabilité à la formation des travailleurs et adolescents migrants au Rectorat de Paris.
Mais, hier comme aujourd'hui, c'est le séjour que j'ai fait à Sidi Ladjel (Willaya de Djelfa à présent) qui a bouleversé ma vision, orienté mes recherches : socialisation comparée de l'enfant dans des sociétés différentes, études du groupe des "Idéologues" qui furent au contact direct avec l'autre (Volney, Garat, Ginguené), rapports que la conscience collective française a entretenu avec l’altérité dans le temps, analyse des processus d’adaptation à une société étrangère…
Le long détour que j’ai entrepris au sujet des représentations réciproques franco-italiennes, notamment celles qui relèvent de l’invisible ou du non-dit, ainsi que l’intérêt que j’ai pris pour les Niçois de langue italienne dominante lors de l’annexion de l’ancien Comté de Nice à la France en 1860, prennent aussi leur source dans ce séjour déjà lointain dans un modeste village algérien perdu où ne vivait aucun colon. Il m’a ouvert les yeux sur cette seconde Algérie dont parle Jean Pélégri, laquelle se cachait, très minoritaire et discrète, sous la première, celle de la colonisation. Dans certaines conditions on pouvait y trouver une chaleur humaine exceptionnelle. Elles furent remplies dans un village proche de l’oued Ouerk. Le hasard a bien fait les choses.
Je dois souligner que c’est grâce à l’intervention généreuse et désintéressée de l’Inspecteur d’Académie de Bône (Annaba), Max Marchand, que j’ai pu saisir cette chance. Sans elle je serais demeuré aveugle. Je salue de nouveau la mémoire de Max Marchand, assassiné le 15 mars 1962 au Château Royal de Ben Aknoun (Alger) par un commando de l’O.A.S. aux côtés de cinq autres Inspecteurs des Centres Sociaux (trois Algériens et trois Français)
Cette quête demeure difficile est longue, même lorsque les conditions de l’échange sont bonnes ou exceptionnelles. Philarète Chasles qui avait été envoyé par son père, à 17 ans, dans un lointain village maritime du Northumberland en 1818, pour des raisons de santé a exprimé ce que j’ai pu ressentir à maintes reprises. Parce que j’ai vécu, loin de ma communauté d’origine, au sein d’une société musulmane modeste, rurale puis urbaine.
Cependant, au milieu de ces mœurs étranges…J’étais isolé comme l’étranger qui brise le gâteau de sel de l’Arabe sous sa tente hospitalière. Il trouve une protection et un asile, non cette fraternité de pensées qui double la vie de l’âme, et sans laquelle il n’y a que solitude. Rien ne pouvait me donner les souvenirs, les regrets, les croyances fixes de mes hôtes : nous étions liés par la bienveillance et la gratitude, non par la communauté des idées… J’appris à ne point mépriser ces nuances et ces détails que l’on dédaigne faute de les voir, et qui nous instruisent mieux sur la nature de l’homme, que les spéculations les plus hautes. En effet les généralités nous abusent, leur vaste horizon efface les contours et confond les objets… De là ce désappointement qu’on éprouve en lisant les récits de voyage…. Philarète Chasles (Scènes d’un village maritime in Caractères et paysages, Mame-Delaunay, Paris, 1833)
Cependant je ne sais s’il est au monde une jouissance plus vive que de se faire contemporain de toutes les nations, d’entrer dans leurs idées, de partager leur goûts, leur enthousiasme, leurs préjugés même. Sortir de l’étroite enceinte où cette éducation si fausse nous enferme ; doubler ses facultés ; sentir comme les autres peuples. (Philarète Chasles, L’Hôtesse de Virgile in Caractères et paysages, op.cité)
Ma dette envers Jean Pélégri, l’auteur des Oliviers de la Justice, du Maboul , des Etés perdus et de la grande Germains Tillion, que je relis sans cesse, est très grande
Deux citations de Jean Pélégri et de Germaine Tillion :
Mes amis français me reprochent souvent cette obsession de l’Algérie. Cela les navre. Et des amis algériens s’en étonnent. Cela ne leur paraît guère croyable.Les uns et les autres s’imaginent que je me suis fabriqué une sorte de prison….Ah, s’ils pouvaient savoir combien j’étais flou, informe et insignifiant avant de rencontrer l’Algérie par l’écriture. Jean Pélégri, Notes non utilisées dans Ma mère l’Algérie.
Catherine Portetvin à Germaine Tillion ( 8 mars 2000) :
Vous avez toujours tenu ensemble ces deux rives. Donc ces deux pays aussi. Encore maintenant ?
Plus que jamais. Et cela veut dire : je refuse de tuer l’un pour sauver l’autre. Sinon on devient fou. La guerre d’Algérie a été une chose horrible pour la France aussi, l’Algérie n’était pas la seule à souffrir. En France, peu de temps avant, c’était la misère noire. On s’était battu d’une façon horrible pendant l’occupation, il y a eu entre Français des crimes épouvantables. La France était un pays déchiré, fou. Quand on écrit l’histoire de deux pays, il faut d’abord écrire l’histoire d’un pays, puis celle de l’autre. C’est quand on connaît les deux histoires que l’on peut commencer à parler de ce qui se passe entre eux. ( nous soulignons), Germaine Tillion ; A la recherche du vrai et du juste, À propos rompus avec le siècle, Paris, Le Seuil, 2001, page 63.
Louis Aragon écrivait dans le revue Commune (1935), après avoir lu Service Inutile (1935), essai dans lequel Henry de Montherlant avait publié quelques fragments de son ouvrage anticolonialiste La Rose de sable (roman qui paraîtra intégralement en 1968 !) :
« Publiera-t-il La Rose de sable ? Je le souhaite ….Ces indigènes opprimés de l’Afrique du Nord qu’il a appris à profondément aimer…
Les amateurs de solutions rapides n’ont certes rien à gagner à la lecture de Service inutile. Ils ont cette chance assurément d’atteindre à la vérité sans tous ces errements des hommes …»
Extrait d’une note au crayon, en marge de la dactylographie de La Rose de sable d’Henry de Montherlant Bibliothèque nationale de France, (Nouvelles Acquisitions françaises, 28165, ( 9) :
Il tourna sans le savoir autour de cette conception de la Grèce primitive, où une guerre créait des amitiés, où le prisonnier mangeait et buvait au foyer de son vainqueur, était de la maison, devenait le doryxène, « l l’hôte qu’on s’est fait par la lance » Mais cela, une amitié véritable, est-ce possible ici ? Son esprit rêve un peu autour de ce que serait une amitié (quatre mots barrés soigneusement ici) ; En tout cas pas à Birbatine….
Cette morale de « la paix dans la guerre » … Je pourrais aussi bien l’appeler « chevaleresque », pour ce qu’elle contient de générosité….Discréditer la haine, limiter la guerre au combat, l’empêcher de s’infiltrer dans toutes les réactions de l’âme, dans tout le corps social- dans toute la vie- pour les empoisonner : là est la civilisation. Et je dirai même (l’éternité de la guerre étant posée comme inévitable) : là est le pacifisme.
On trouvera sur le site la liste de l'ensemble de nos articles parus dans des revues et ouvrages collectifs, des recensions de livres, des livres parus ou en préparation ainsi que des textes à paraître prochainement. Nous avons ajouté pour information quelques productions non parues pour des raisons diverses (abandon de la publication d'actes de colloque par exemple). Une part importante des publications sera d'accès direct sur le site, notamment celles, qui, parues à l'étranger, ne sont pas accessibles aisément.
De la première publication faite après notre retour d'Alger («Pour une éducation transculturelle") à l'ouvrage en cours de rédaction: "Labyrinthe algérien" (titre provisoire) tous nos écrits sont marqués, directement ou non, par le séjour de seize mois que nous avons effectué, comme enseignant, dans un petit village du Sersou steppique algérien, loin de toute population européenne.
Les études complémentaires entreprises à Alger ( D.E.S consacré à Eugène Fromentin, licence de sociologie nord-africaine) puis à l'Université René-Descartes ( Paris V), où j'ai soutenu une thèse sur le concept de culture et de pluralisme culturel, avaient pour objet de mieux comprendre comment franchir les obstacles qui se dressent dans des contextes historiques, sociaux, religieux, économiques… entre Européens et Maghrébins. Et plus particulièrement entre Français et Algériens, hier et aujourd'hui.
J'ai pris appui sur une longue expérience humaine et professionnelle à des moments et dans des contextes différents. Seize mois dans le Sersou steppique, treize ans passés dans un quartier populaire d'Alger après l'indépendance, quinze années de responsabilité à la formation des travailleurs et adolescents migrants au Rectorat de Paris.
Mais, hier comme aujourd'hui, c'est le séjour que j'ai fait à Sidi Ladjel (Willaya de Djelfa à présent) qui a bouleversé ma vision, orienté mes recherches : socialisation comparée de l'enfant dans des sociétés différentes, études du groupe des "Idéologues" qui furent au contact direct avec l'autre (Volney, Garat, Ginguené), rapports que la conscience collective française a entretenu avec l’altérité dans le temps, analyse des processus d’adaptation à une société étrangère…
Le long détour que j’ai entrepris au sujet des représentations réciproques franco-italiennes, notamment celles qui relèvent de l’invisible ou du non-dit, ainsi que l’intérêt que j’ai pris pour les Niçois de langue italienne dominante lors de l’annexion de l’ancien Comté de Nice à la France en 1860, prennent aussi leur source dans ce séjour déjà lointain dans un modeste village algérien perdu où ne vivait aucun colon. Il m’a ouvert les yeux sur cette seconde Algérie dont parle Jean Pélégri, laquelle se cachait, très minoritaire et discrète, sous la première, celle de la colonisation. Dans certaines conditions on pouvait y trouver une chaleur humaine exceptionnelle. Elles furent remplies dans un village proche de l’oued Ouerk. Le hasard a bien fait les choses.
Je dois souligner que c’est grâce à l’intervention généreuse et désintéressée de l’Inspecteur d’Académie de Bône (Annaba), Max Marchand, que j’ai pu saisir cette chance. Sans elle je serais demeuré aveugle. Je salue de nouveau la mémoire de Max Marchand, assassiné le 15 mars 1962 au Château Royal de Ben Aknoun (Alger) par un commando de l’O.A.S. aux côtés de cinq autres Inspecteurs des Centres Sociaux (trois Algériens et trois Français)
Cette quête demeure difficile est longue, même lorsque les conditions de l’échange sont bonnes ou exceptionnelles. Philarète Chasles qui avait été envoyé par son père, à 17 ans, dans un lointain village maritime du Northumberland en 1818, pour des raisons de santé a exprimé ce que j’ai pu ressentir à maintes reprises. Parce que j’ai vécu, loin de ma communauté d’origine, au sein d’une société musulmane modeste, rurale puis urbaine.
Cependant, au milieu de ces mœurs étranges…J’étais isolé comme l’étranger qui brise le gâteau de sel de l’Arabe sous sa tente hospitalière. Il trouve une protection et un asile, non cette fraternité de pensées qui double la vie de l’âme, et sans laquelle il n’y a que solitude. Rien ne pouvait me donner les souvenirs, les regrets, les croyances fixes de mes hôtes : nous étions liés par la bienveillance et la gratitude, non par la communauté des idées… J’appris à ne point mépriser ces nuances et ces détails que l’on dédaigne faute de les voir, et qui nous instruisent mieux sur la nature de l’homme, que les spéculations les plus hautes. En effet les généralités nous abusent, leur vaste horizon efface les contours et confond les objets… De là ce désappointement qu’on éprouve en lisant les récits de voyage…. Philarète Chasles (Scènes d’un village maritime in Caractères et paysages, Mame-Delaunay, Paris, 1833)
Cependant je ne sais s’il est au monde une jouissance plus vive que de se faire contemporain de toutes les nations, d’entrer dans leurs idées, de partager leur goûts, leur enthousiasme, leurs préjugés même. Sortir de l’étroite enceinte où cette éducation si fausse nous enferme ; doubler ses facultés ; sentir comme les autres peuples. (Philarète Chasles, L’Hôtesse de Virgile in Caractères et paysages, op.cité)
Ma dette envers Jean Pélégri, l’auteur des Oliviers de la Justice, du Maboul , des Etés perdus et de la grande Germains Tillion, que je relis sans cesse, est très grande
Deux citations de Jean Pélégri et de Germaine Tillion :
Mes amis français me reprochent souvent cette obsession de l’Algérie. Cela les navre. Et des amis algériens s’en étonnent. Cela ne leur paraît guère croyable.Les uns et les autres s’imaginent que je me suis fabriqué une sorte de prison….Ah, s’ils pouvaient savoir combien j’étais flou, informe et insignifiant avant de rencontrer l’Algérie par l’écriture. Jean Pélégri, Notes non utilisées dans Ma mère l’Algérie.
Catherine Portetvin à Germaine Tillion ( 8 mars 2000) :
Vous avez toujours tenu ensemble ces deux rives. Donc ces deux pays aussi. Encore maintenant ?
Plus que jamais. Et cela veut dire : je refuse de tuer l’un pour sauver l’autre. Sinon on devient fou. La guerre d’Algérie a été une chose horrible pour la France aussi, l’Algérie n’était pas la seule à souffrir. En France, peu de temps avant, c’était la misère noire. On s’était battu d’une façon horrible pendant l’occupation, il y a eu entre Français des crimes épouvantables. La France était un pays déchiré, fou. Quand on écrit l’histoire de deux pays, il faut d’abord écrire l’histoire d’un pays, puis celle de l’autre. C’est quand on connaît les deux histoires que l’on peut commencer à parler de ce qui se passe entre eux. ( nous soulignons), Germaine Tillion ; A la recherche du vrai et du juste, À propos rompus avec le siècle, Paris, Le Seuil, 2001, page 63.
Louis Aragon écrivait dans le revue Commune (1935), après avoir lu Service Inutile (1935), essai dans lequel Henry de Montherlant avait publié quelques fragments de son ouvrage anticolonialiste La Rose de sable (roman qui paraîtra intégralement en 1968 !) :
« Publiera-t-il La Rose de sable ? Je le souhaite ….Ces indigènes opprimés de l’Afrique du Nord qu’il a appris à profondément aimer…
Les amateurs de solutions rapides n’ont certes rien à gagner à la lecture de Service inutile. Ils ont cette chance assurément d’atteindre à la vérité sans tous ces errements des hommes …»
Extrait d’une note au crayon, en marge de la dactylographie de La Rose de sable d’Henry de Montherlant Bibliothèque nationale de France, (Nouvelles Acquisitions françaises, 28165, ( 9) :
Il tourna sans le savoir autour de cette conception de la Grèce primitive, où une guerre créait des amitiés, où le prisonnier mangeait et buvait au foyer de son vainqueur, était de la maison, devenait le doryxène, « l l’hôte qu’on s’est fait par la lance » Mais cela, une amitié véritable, est-ce possible ici ? Son esprit rêve un peu autour de ce que serait une amitié (quatre mots barrés soigneusement ici) ; En tout cas pas à Birbatine….
Cette morale de « la paix dans la guerre » … Je pourrais aussi bien l’appeler « chevaleresque », pour ce qu’elle contient de générosité….Discréditer la haine, limiter la guerre au combat, l’empêcher de s’infiltrer dans toutes les réactions de l’âme, dans tout le corps social- dans toute la vie- pour les empoisonner : là est la civilisation. Et je dirai même (l’éternité de la guerre étant posée comme inévitable) : là est le pacifisme.